Le reportage de Temps Présent diffusé le jeudi 2 mars présente une lecture déformée de la question complexe des transidentités et des “détransitions”. Alors que les personnes trans* et non-binaires font l’objet d’attaques renouvelées et que les discours anti-trans prennent de l’ampleur, le reportage diffusé donne du crédit et une tribune à ces discours et diffuse des informations infondées, tout en posant des questions de déontologie journalistique. Nous appelons la RTS à rétablir un certain équilibre dans le traitement du sujet et à produire une émission de durée équivalente qui prenne en compte les connaissances scientifiques actuelles sur la question.
Alors que les violences contre les personnes trans* augmentent et que les mouvements militants anti-trans se structurent, y compris en Suisse, l’émission de Temps présent diffusée jeudi 2 mars amplifie ces discours. Ce faisant, ce reportage met en danger les personnes concernées, en particulier les plus fragiles, qui se verront exposées à de nouvelles violences, à des discours agressifs renforcés et à de multiples remises en question. “La ligne éditoriale et le traitement alarmiste de l’émission de la RTS risque de compliquer des situations familiales déjà tendues liées à un coming out trans* et/ou non-binaire, créant ainsi plus de souffrance pour les personnes concernées. Les inquiétudes des parents sont une réalité et elles sont légitimes. L’angle choisi pour ce reportage ne fait qu’amplifier ces peurs, sans permettre également de rassurer ces personnes. La ligne choisie est en outre, susceptible de rompre le lien de confiance avec les associations et le corps médical qui accompagnent les personnes trans* et/ou non-binaires, un lien qui est pourtant essentiel pour éviter des erreurs de parcours.” souligne Raphaëlle Guglielmetti, co-présidente de la Fédération romande des associations LGBTIQ et vice-présidente d’Ekivock.
De plus, le reportage diffusé passe sous silence l’ensemble des travaux scientifiques des dernières années effectués dans ce domaine. Cédant aux affres du sensationnalisme, les journalistes Sofia Pekmez et Mauro Losa ont visiblement activement choisi d’ignorer les études et ressources existantes, au mépris de toute déontologie journalistique. L’usage d’images sorties de leur contexte et sans autorisation de la personne concernée dans le trailer diffusé la semaine précédente est à ce titre symptomatique du traitement réservé au sujet : mépris des personnes concernées, déformation de propos, manque de rigueur et a-scientificité.
Des données de recherche existent pourtant sur la question, données sur lesquelles s’appuient les diverses organisations qui accompagnent les personnes concernées (voir p. ex. le document de la Fondation Agnodice sur la question “detrans” et les standards de soin de la World Professionnal Association for Transgender Health). Il serait attendu de la RTS de fonder ses reportages sur de véritables données, d’effectuer des recherches de fond sur les sujets traités et d’éviter de servir sans nuance de porte-voix aux discours anti-trans.
Qu’une émission comme Temps présent, dont la qualité des reportages est la marque de fabrique, cède à un sensationnalisme infondé, ne peut que décevoir son audience. Dans un contexte où l’amplification de tels discours met en danger de nombreuses vies, il s’agit d’une attitude irresponsable. Nous attendons de la RTS une télévision de qualité, fondée sur des faits. Une émission de durée équivalente “Détransition - histoire d’une panique morale contemporaine” serait dès lors nécessaire pour rétablir un certain équilibre dans le traitement du sujet.